1 Quatre lignes et des financements croisés
Ce vaste projet LGV, probablement le plus grand chantier à venir en Europe, se partage d'abord en deux sur une ligne imaginaire au nord et au sud de Bordeaux. Sud Europe Atlantique (SEA) pour la partie nord entre Tours et Bordeaux, avec les lignes Tours-Bordeaux et Poitiers-Limoges. Puis le Grand Projet Sud-Ouest (GPSO) au sud pour les deux lignes allant vers Toulouse et l'Espagne.
Toutes ces lignes ont évidemment une logique commune. Mais leurs calendriers sont distincts. On pourrait imaginer qu'elles soient réalisées étape par étape, d'abord le Nord puis ensuite le Sud. Le problème vient aujourd'hui du fait que des collectivités du Sud, la Région Midi-Pyrénées par exemple, financent aussi la partie Nord, et que des dizaines de collectivités locales sont impliquées. Certaines ont beaucoup renâclé. Même si la plupart ont finalement accepté de payer, il existe quelques résistances et certaines y mettent toujours des conditions. Le tout récent refus de Michèle Alliot-Marie de voir passer une nouvelle ligne ferroviaire au Pays basque n'a évidemment pas mis de l'huile dans les rouages. Le Premier ministre rendra bientôt son arbitrage.
2 Tours-Bordeaux sur la bonne voie
Il est d'ailleurs probable que François Fillon fera tout pour ne pas freiner la partie du projet LGV qui est la plus engagée, celle de la ligne Tours-Bordeaux. Il faut en fait la considérer en deux morceaux. Entre Angoulême et Bordeaux, le cap de la DUP (déclaration d'utilité publique) a été franchi. Une bande d'environ 100 mètres dans laquelle passera la future ligne est déjà tracée. « Nous avons pu acheter un grand nombre de maisons et de propriétés foncières agricoles. Nous allons commencer les fouilles archéologiques en septembre pour ne pas perdre de temps », résume Bruno de Monvallier, directeur région Aquitaine/Poitou-Charentes de RFF (Réseau ferré de France).
Concernant la partie Nord entre Angoulême et Tours, la DUP est attendue dans les jours qui viennent. Il semble donc difficile aujourd'hui de revenir en arrière sur cette ligne Nord entre Tours et Bordeaux.
3 Un concessionnaire privé bientôt choisi
Elle coûterait 7,2 milliards à la collectivité en euros courants (probablement 9 milliards au final). La moitié de cette somme est prise en charge par RFF et un concessionnaire, l'autre moitié par l'État (25 %) et les collectivités locales (25 %). Ces dernières se sont partagé l'effort financier en trois tiers entre Communautés d'agglomération, Départements et Régions. L'Aquitaine met ainsi au pot 600 millions d'euros. Les travaux devraient débuter en 2011 et s'étaler jusqu'à l'ouverture de la ligne en 2016 si le calendrier est respecté. Ce sont 300 kilomètres de lignes nouvelles qui vont ainsi être gérés... par un concessionnaire privé. Une première dans l'histoire ferroviaire destinée à réduire le financement public. Il sera choisi en 2010 entre les mastodontes du BTP que sont Eiffage, Vinci et Bouygues, et pour une durée de cinquante ans.
À noter, pour en finir avec la partie Nord, que la ligne Poitiers-Limoges est nettement moins avancée. Le budget de départ était de 1,2 milliard, mais devrait approcher les 2 milliards. RFF espère organiser une enquête publique en 2011 et terminer les travaux un peu avant 2020. L'objectif est de mettre Limoges à deux heures de Paris en TGV.
4 D'un côté Toulouse, de l'autre l'Espagne
Une fois passé l'obstacle du bouchon de Bordeaux, levé en 2013 , cette LGV va descendre vers le sud de la Gironde au fil d'une voie commune de 10 à 50 kilomètres. Puis, la ligne va se partager en deux, d'un côté vers Toulouse en passant par Agen, et de l'autre vers l'Espagne en passant Mont-de-Marsan et Dax. Cet ensemble de 450 km de voies nouvelles devrait coûter autour de 10 milliards d'euros, sur un calendrier à peu près identique à Poitiers-Limoges avec enquête publique en 2011, travaux en 2013 et ouverture en 2020. L'argent public des Français financera ces lignes de 50 à 70 %. L'État en prendra en charge une bonne partie dans l'hypothèse d'une ligne mixte voyageurs et fret . L'Europe finance 15 % de la facture sur la partie Sud-Gironde, puis vers l'Espagne. RFF et un partenaire privé prendront de 15 à 35 % selon les tronçons.
Le destin de ces deux lignes semble pour l'instant commun, au moins sur le plan du budget. Mais qu'en sera-t-il dans quelque temps ? Il est probable que les plus prompts à boucler le financement seront les premiers servis.
5 Forte opposition au Pays basque
À ce petit jeu du bon élève, c'est pour l'instant Toulouse qui semble tenir la corde. Essentiellement en raison de la forte opposition rencontrée par ce projet au Pays basque. Même si de nombreux élus en ont accepté le principe, d'autres refusent clairement la construction d'une nouvelle ligne qui risquerait de « défigurer les paysages ». La sortie de Michèle Alliot-Marie sur l'utilité d'une LGV a illustré cette défiance basque. Elle devrait obliger RFF à proposer une ligne presque entièrement enterrée (le projet prévoyait un tiers), ce qui pourrait faire grimper la facture de plusieurs dizaines de millions d'euros. À cela s'ajoute enfin un projet de ligne de raccord à la LGV entre Dax et Pau. Mais il ne s'agit pour l'instant que d'une toute première étude, à l'évidence non prioritaire au regard des grands défis de cette LGV.