La Cour des comptes estime que la gestion des trains par les régions n'est pas assez rationnelle. Les TER seraient-ils trop chers ?
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Les magistrats de
la Cour des comptes se mêlent décidément de tout. Après avoir dénoncé un peu vite les effets pervers de l'assouplissement de la carte scolaire dans les collèges, voilà qu'ils viennent de pondre un rapport de 150 pages dans lequel ils pointent cette fois du doigt la gestion des TER, ou trains express régionaux, par les Régions françaises. Un rapport assez critique, même si le bilan du transfert de compétences de ces trains aux collectivités régionales marque un « progrès incontestable » pour les usagers, selon la Cour. |
Des dépenses importantes
Les Régions françaises, y compris Aquitaine, Poitou-Charentes et Midi-Pyrénées, ont effectivement investi lourdement dans la rénovation ou le changement du matériel roulant, ainsi que l'aménagement d'un certain nombre de gares ou voies de chemin de fer (même si cette compétence relève encore de l'État via RFF - lire ci-contre). Rien qu'en Aquitaine, 400 millions d'euros ont été votés au budget 2009 de la Région pour acheter 50 nouveaux matériels roulants.
Cela donne une idée de l'effort budgétaire consenti. Et l'amélioration du service est incontestable depuis plusieurs années.
La Cour des comptes trouve justement que les Régions françaises sont probablement allées un peu loin. Ou plutôt qu'elles ont dépensé beaucoup d'argent sans grande rationalité. Alors que le réseau est encore en mauvais état, coûteux à rénover et à entretenir, les taux d'occupation des TER sur certaines lignes restent très faibles.
Autrement dit, trop peu de voyageurs dans des trains qui nécessitent des dépenses importantes, particulièrement dans les secteurs ruraux. En Aquitaine par exemple, le coût public des TER est de 70 à 75 %.
En d'autres termes, lorsque vous achetez un billet de train, le service rendu est payé aux trois-quarts par le contribuable via la collectivité régionale en tête, mais aussi l'État et la SNCF.
Mieux cibler les efforts
La Cour des comptes suggère une « meilleure rationalisation de l'investissement ». « Elles doivent être plus raisonnables et proportionner leurs efforts au trafic », a ainsi déclaré
Philippe Séguin, son premier président, à propos des Régions. L'une des propositions consiste à remplacer le train par des bus sur les lignes où la fréquentation est trop faible, ou du moins de l'expérimenter. Tout comme l'ouverture à la concurrence pourrait être « un facteur d'amélioration de l'exploitation ». Les magistrats ont également déploré l'utilisation de machines diesel sur des lignes TER trop rarement électrifiées (lire ci-contre). Avec un bilan carbone qui serait déplorable.
En réponse à ce rapport, le président de la Région Aquitaine,
Alain Rousset, a parlé hier d'une « méconnaissance du dossier de la part des magistrats de la Cour ». « Lorsque les régions ont pris la responsabilité des TER, c'était leur disparition ou la régionalisation. Depuis 2002, nous mettons trois fois ce que l'État met dans ces trains. Le problème vient de là : on nous a transférés un service public en piteux état, et nous avons investi fortement pour rattraper le retard, augmenter la fréquentation de 42 % entre 2002 et 2008. Et aujourd'hui, on nous dit que l'on dépense trop ? »
Lignes en mauvais état
Des dépenses importantes qui sont nécessaires, selon le président de la Région Aquitaine. Il affirme que l'économie du train répond à une logique : « Pour faire revenir les gens dans les TER et les remplir à nouveau, il faut des passages réguliers, des horaires faciles et du matériel confortable. » Et certainement pas, selon lui, des bus de substitution. Dans les régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Midi-Pyrénées, l'heure est plutôt à la rénovation et aux investissements massifs dans le train régional plutôt qu'aux réductions des dépenses et fermetures de lignes. On parle aujourd'hui de milliards dans les conventions passées entre ces régions, la SNCF et RFF.
Les choix faits pour l'instant sont inverses à ceux préconisés par la Cour des comptes. Il s'agit plutôt d'une continuation de la politique menée depuis 2002, d'amélioration et de renforcement des lignes TER.
D'autant que l'on est encore loin du compte en termes de qualité. Le récent accident d'Orthez en est l'illustration. Réseau ferré de France (RFF) est obligé de reconnaître que les accidents se multiplient sur cette ligne entre Bayonne et Pau. « La rénovation était prévue pour 2013, il faudra peut-être aller plus vite », admet Bruno de Monvallier, directeur régional de RFF. Mais il rappelle également que les investissements pour rénover les lignes n'ont jamais été aussi importants dans la région. « 300 millions d'euros sont programmés en 2010. De nombreuses lignes étaient effectivement en mauvais état et nous rattrapons le retard accumulé. Nous refaisons Pau-Oloron, Bayonne-Cambo et Dax-Bayonne-Hendaye. D'importants travaux sont également prévus sur Bergerac-Sarlat. Cette ligne a incontestablement besoin d'être rénovée. »
Quant à l'électrification, Bruno de Monvallier rappelle qu'elle coûte 1 million d'euros le kilomètre, et n'est donc peut-être pas nécessaire sur des lignes moins fréquentées.
extrait du sud ouest : Auteur : Bruno Béziat b.beziat@sudouest.com |
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Les comptes et la vie des hommes
La Cour des comptes est une institution. D'ordinaire, quand ils pointent du doigt des dépenses jugées arbitraires ou somptuaires, ses rapports enchantent le contribuable. Depuis quelque temps, elle est présidée par un homme qui incarne à miracle la fonction :
Philippe Séguin. Il faut le voir lors de la cérémonie annuelle, entouré de ses affidés, revêtu, comme un membre de la Confrérie des jabotiers, de son lourd manteau de velours sombre empelissé de blanc. La troupe semble venir d'hors des temps et garantir une indépendance de vues et de fonctions. Or, avant-hier, les conseils qu'elle a donnés ont été pour le moins curieux. Ce ne sont pas les frais de bouche d'un palais parisien qui ont été pointés, ni les absurdités courtelinesques d'une quelconque administration, mais la gestion des trains express régionaux. Et cela, pourquoi ? Car il semblerait que, depuis que les régions s'occupent de ce mode de transport, le bilan en soit mitigé. Et de préconiser d'en rabattre avec les trains des heures creuses pour en revenir aux autobus à moitié pleins. Tout cela afin d'assurer une meilleure rentabilité. Admirable logique.
Mais voilà que ces observations amènent en réponse au moins deux remarques. La première est justement que, dès que les régions se sont mêlées de leurs voies de chemin de fer, le nombre de passagers a progressé de près de 27 %. La grande majorité de la flotte héritée des anciens temps était à ce point vétuste qu'elle devait être remplacée. Une cause ayant plusieurs effets, c'est justement cette modernisation qui a été appréciée. Par ailleurs, dans ce redoutable partage de compétences, l'État a, lui, à charge de s'occuper des rails. Or, par un hasard de circonstance malvenu, on ne peut dire que les dernières nouvelles soient des plus réjouissantes quand on voit un banal train de marchandises chargé de butane se coucher sur une voie à Orthez à cause d'un réseau ferroviaire vétuste. Mais surtout, que signifie rentabilité ? Qui sait à la Cour des comptes à quoi ressemblent des campagnes désertées et l'impossibilité d'accéder à des bourgs et des villes autrefois parfaitement desservis ? En d'autres termes, la froide mise en abyme de chiffres vaudrait-elle davantage qu'une perspective de vies équitablement réparties sur un territoire ? C'est, hélas, ce domaine que les vénérables empelissés n'ont pas vocation à considérer. C'est dommage. Cela a à voir avec l'égalité et la fraternité. Mais ce doit être un autre débat.
Bruno Béziat
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