Une pierre dans le jardin de Réseau ferré de France (RFF), promoteur de la LGV. En sollicitant une « comparaison des solutions ferroviaires d'aménagement de l'axe Bordeaux-Toulouse » auprès du cabinet ariégeois CerCL, le collectif des élus qui militent pour le réaménagement de la voie existante a déboursé 7 500 euros pour fourbir de nouveaux arguments en faveur de la ligne existante. Pouvait-il en être autrement ? « Ils ne sont pas là pour dire ce qu'on a envie d'entendre mais il y a des éléments qui nous confortent sur l'argumentaire qu'on met en avant », répond Raymond Girardi, co-président de l'association avec Bernard Faucon-Lambert.
Le conseiller général de Bouglon se fait plus précautionneux qu'à l'habitude. S'il en dira un mot à la tribune de la manifestation agenaise, demain matin, il renvoie à la semaine prochaine la communication de « l'expertise ». Soit 65 pages très techniques qui ne sont qu'un préalable : devrait suivre une étude en bonne et due forme. Évaluée à 80 000 euros, les élus s'attellent à lui trouver un financement.
Le Conseil général a beau s'être prononcé en novembre 2008 pour la LGV (avec une participation de 90 millions d'euros à la clé), il pourrait bien y contribuer : son président, Pierre Camani, s'est laissé convaincre d'inscrire le vote d'une subvention de 30 000 euros à l'ordre du jour de la prochaine séance, jeudi 18 novembre.
1 Coût : « Le jeu du promoteur »
Un mot sur le coût de la LGV Bordeaux-Toulouse, objet de tous les débats. L'expertise s'en tient à son tableau « comparateur » : 2,9 milliards selon RFF, 5,09 milliards selon « l'évaluation actualisée du ministère ». « C'est le jeu du promoteur d'un projet que de minorer les coûts et de fortement valoriser les avantages. »
2 Territoire : « Éviter l'effet tunnel »
« Notre analyse de flux relève aujourd'hui une importante capacité résiduelle sur la ligne classique », plaide l'expertise. « Dans un tel schéma, Agen n'est plus une gare de passage mais deviendrait une destination des services TGV nationaux […] Un tel dispositif éviterait l'effet tunnel de la grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse. » Le cabinet va jusqu'à trouver « curieux » que le projet LGV n'envisage aucun train Agen-Paris : « Ce syndrome démontre que, tel qu'il est proposé aujourd'hui, le TGV Bordeaux-Toulouse est bien un saut de territoire. »
3 Nouvelle gare à Agen : « vue irréaliste »
La perspective d'une nouvelle gare en périphérie d'Agen ne convainc guère le cabinet. « Vue irréaliste », coupe-t-il. Démographie, exemples d'Avignon et de Valence à l'appui, « il est évident que ce lien ferroviaire entre Agen-ville et Agen-TGV (sic) est l'habillage commercial d'un choix d'itinéraire LGV qui serait avantagé en évitant Agen. » D'ailleurs, « pour le Conseil régional de Midi-Pyrénées, acteur majeur de la revendication du projet de LGV, perdre sept minutes pour un arrêt à Agen […] semble être une concession politique permettant de capter un complément de financement. »
Et le cabinet de prévenir : « Les arrêts à Agen seront en outre programmés hors horaires nobles au départ de Toulouse et de Paris, car ces trains drapeaux devront respecter l'horaire cible des trois heures pour soutenir l'argumentaire commercial. »
« Pour quelques dessertes quotidiennes, il est déraisonnable de créer une nouvelle gare dont l'utilité fonctionnelle d'ouverture serait de moins de quatre heures cumulées par jour […]. La raison impose que la gare d'Agen reste centrale. »
4 Temps : « Solution alternative réaliste »
« Un budget de 900 millions d'euros permet une solution alternative réaliste à la construction d'une ligne à grande vitesse sur le segment Bordeaux-Agen. » À la clé, « treize minutes » gagnées sur le trajet classique. Une somme « proche » des 780 millions avancés en toute hypothèse par RFF. « Une étude similaire optimisant Toulouse-Montauban-Agen montre que le cumul des deux segments permet un gain de temps de trente minutes sur Toulouse-Bordeaux en desservant les gares de centre-ville. »
Résultat : pour des trains desservant les arrêts de Montauban et d'Agen, suit un tableau édifiant : 3 h 43 avec la LGV (laquelle ligne fait une boucle par Captieux, du fait d'un tronc commun avec la ligne en direction de l'Espagne), 3 h 28 avec la modernisation de la ligne classique ! Une comparaison à l'avantage de l'actuelle voie que les anti-LGV appréhendent avec prudence, de crainte d'être contredit aussi sec.
5 À côté de la LGV, une ligne en déshérence
Si la LGV Bordeaux-Toulouse entre en service, « il est à noter que Marmande perd aussi ses dessertes grandes lignes en 1 h 01 car les trains Téoz et Intercités circuleront par la LGV depuis Toulouse pour justifier de son utilité […]. L'absence de trains grandes lignes dégradera fortement la desserte de Marmande qui ne profitera pas de la LGV Atlantique ». Une ligne en déshérence : « La construction de la LGV prive la ligne conventionnelle des services grandes lignes et de ses recettes. Sur une ligne sous-utilisée, cette perte de recettes entraîne des conséquences évidentes : affectation des gares de la ligne actuelle à l'activité TER, donc à charge complète de la Région […], entretien des voies à charge de la Région […], arrêt de la modernisation impliquant la suppression des passages à niveau. »