LIGNES À GRANDE VITESSE. Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France, justifie la politique de l'entreprise publique dans la construction des LGV du Sud-Ouest
Partager sur Facebook
Hubert du Mesnil : « Un jour, un train toutes les trois minutes passera sur la côte. Notre devoir est de dire qu'il faut répartir le trafic entre deux lignes ». (Photo « SUD OUEST »)
|
« Sud Ouest ». En raison de son coût et de son impact sur le territoire, le projet LGV amène d'abord une question. À quoi sert-il ?
Hubert du Mesnil. En tendance, une opinion largement partagée est que la mobilité en Europe va se poursuivre, et que le transport ferroviaire rapide est le bon moyen d'y répondre, dans des conditions qui sont les meilleures du point de vue du développement durable. Il s'agit d'un choix politique, du Parlement français et de gouvernements successifs, mais aussi de l'Europe, qui a décidé de construire et de développer un réseau à grande vitesse. |
Il est normal que le Sud-Ouest trouve sa place dans ce développement. Notre projet est de mettre en oeuvre ces décisions en les mettant au service des territoires que nous traversons. La grande vitesse n'est pas faite que pour le réseau européen. Nous devons aussi diffuser l'effet de la grande vitesse dans la région en organisant la connexion avec les TER.
Des opposants à la LGV et des élus estiment que tout est déjà décidé. Ne faudrait-il pas commencer par une vraie concertation ?
Si, à l'occasion d'un débat, on veut convaincre RFF qu'il faut par principe renoncer au projet, cela ne peut pas marcher. Ce choix ne relève pas de RFF. En revanche, sur la manière de réaliser ce projet, on a étudié des quantités de fuseaux. Les choix entre tel fuseau ou telle gare ont été faits à la suite des réunions de concertation, une centaine en 2009 par exemple. Si l'on veut bien parler du travail qu'il reste à faire, la manière de tracer le projet sur le territoire, tout cela est le résultat permanent de la concertation et d'une étude continue.
Les critères de choix des fuseaux ne sont-ils pas d'abord économiques ? On passe là où cela coûte le moins cher, en somme...
Ce qui est surtout pris en compte, ce sont les données géographiques, les contraintes naturelles et environnementales. Je ne dis pas que l'on ne tient pas compte des questions économiques, mais cela n'a pas été essentiel. Notre démarche est d'apporter le meilleur profit possible au territoire traversé en réduisant le plus possible les inconvénients et les dommages. Le travail de terrain vise à minimiser ces dommages.
Justement, des élus a priori favorables au projet, et qui le financent, s'y opposent. Vous êtes surpris d'une telle contestation ?
L'opposition des personnes directement touchées n'est pas surprenante. Cette expression n'est pas réservée au Sud-Ouest. Nous nous mettons en situation d'écouter cela. Il existe un droit de réponse à l'inquiétude légitime. Une fois qu'elle est exprimée, nous avons besoin d'entamer un dialogue précis, d'avancer en concertation avec les communes traversées et les riverains.
Alors, pour quelle raison cette opposition d'élus a priori favorables ?
Il semble logique que les élus soient dans cette position parfois contradictoire entre le soutien à un projet et ce qu'il peut apporter à la région, et les inquiétudes des populations. Ce sont des choix qui ne sont pas faciles à porter. Il faut cependant que chacun assume ses responsabilités à un moment ou un autre. Il faut décider si, oui ou non, on souhaite que les territoires du Sud-Ouest soient desservis par le réseau ferroviaire à grande vitesse, que le ferroviaire se développe plus que les autres modes, et servir les grands objectifs de développement durable.
On serait proche de 20 milliards avec des surcoûts. Ce projet ne semble-t-il pas inflationniste ?
L'ensemble des branches du Grand Sud-Ouest a été estimé au départ à 15 milliards d'euros environ. Il ne s'agit pas de réaliser le projet le moins cher possible, mais le meilleur. Pour cela, il faut qu'il soit acceptable, et considéré par les collectivités territoriales comme tel. Nous avons effectivement le devoir d'être attentifs, parce que nous dépensons de l'argent public. Mais nous ne plaçons pas cette considération financière avant toutes les autres. La priorité du moment est d'apporter des services au territoire traversé. C'est cela, pour nous, un bon projet, même si la contrainte économique, naturellement, est aussi prise en compte.
Puisque c'est si cher, cela vaut-il la peine de réaliser une ligne nouvelle ?
La ligne nouvelle apporte d'abord de la vitesse et ensuite de la capacité - c'est-à-dire faire passer davantage de trains. Il existe des endroits où l'on peut augmenter la vitesse sur des lignes existantes. Nous l'avons fait en Bretagne. Mais, souvent, ce n'est pas possible. Pour augmenter la capacité, on peut imaginer d'ajouter une voie de plus sur une ligne déjà en service. Mais ceci est très difficile à réaliser. Il y a énormément d'obstacles à franchir. C'est toutefois une option que l'on peut considérer. Et nous avons à faire le choix, sur l'ensemble du réseau européen, entre l'existant et la ligne nouvelle. Il n'y a pas de réponse évidente.
Vous avez vraiment étudié ce doublement de la ligne existante sur Bordeaux-Espagne ?
Nous l'avons étudié, et nous ne l'avons pas retenu. Elle n'apportait pas les mêmes résultats en termes de vitesse. La vitesse n'est pas une fin en soi, mais si vous voulez prendre un certain nombre de voyageurs à l'aérien et à la route, il faut bien regarder les temps que vous proposez. Et il n'y a pas de doute que, plus vous réduisez les temps, plus vous attirez les voyageurs. C'est un élément du débat. Partout où il y a eu des lignes à grande vitesse, la fréquentation des trains a augmenté. C'est en outre un facteur de croissance économique. Mais la vitesse a un prix, et il faut mettre en balance le coût avec les avantages socio-économiques. C'est cet équilibre qu'il faut démontrer.
Autant d'argent sur la grande vitesse, cela fera-t-il moins d'argent sur le réseau de proximité et les lignes existantes ?
C'est un vrai débat. Il est exact qu'il y a un certain nombre d'années, en France, lorsque l'on a démarré les premières LGV, on a privilégié l'effort sur la grande vitesse et sous-estimé ceux à faire sur le réseau existant. Mais aujourd'hui, à RFF, notre priorité est claire : nous voulons moderniser le réseau existant, le rénover complètement.
Financièrement, il semble difficile de faire les deux ?
Nous ne devrons pas sacrifier la rénovation du réseau existant à l'aménagement de lignes nouvelles. C'est un engagement que nous prenons et quelque chose que nous démontrons, notamment dans la région. Entre Dax et Bayonne, RFF est en train de dépenser 350 millions d'euros sur la ligne actuelle, notamment pour construire le pont sur l'Adour, et ceci sera fait avant la ligne nouvelle.
Si vous mettez autant d'argent dans l'existant, pourquoi, alors, une ligne nouvelle ?
La ligne existante sera essentielle mais ne permettra pas de répondre aux besoins futurs. On retombe sur un élément essentiel du débat, notamment au Pays basque. Évidemment, si vous ne voulez pas développer le transport ferroviaire et augmenter le nombre de trains, il ne faut surtout rien faire. Si l'on croit au contraire qu'il faut davantage de trains pour rééquilibrer les modes de transport, alors, un jour ou l'autre, la ligne existante ne suffira pas. Quand ? En 2020 ou 2025 ? Je n'en sais rien. La seule chose que nous savons est que, si l'on croit au transport ferroviaire et que l'on veut le développer, la ligne actuelle ne suffira pas.
Est-on vraiment certain que cette ligne entre Bordeaux et l'Espagne sera saturée ?
Il y a une centaine de trains qui passent chaque jour sur cette ligne. Il faut se préparer à ce que ce chiffre triple, pour trois raisons. D'abord les liaisons à grande distance vont augmenter. Ensuite, la Région a la volonté de développer les TER. Enfin, pour le fret, 4 % du transport de marchandises qui vient d'Espagne passe aujourd'hui par le train. C'est le plus faible taux de toute la France, et l'objectif du Grenelle est d'être à 25 % de parts de marché. Un jour ou l'autre, un train toutes les trois minutes passera sur la côte. Aujourd'hui, le nombre de trains est considéré comme supportable. Mais les éléments qui nous font dire que cela va croître sont réalistes. Notre devoir est de dire qu'il faut répartir le trafic entre deux lignes. La ligne actuelle rénovée pour faire passer les TER et quelques autres trains. Et une nouvelle ligne pour les TGV et le fret, et des services régionaux à grande vitesse.
|
LGV : Actualité :
LGV Priorité : apporter des services
Votre commentaire ici
Où en est le projet LGV?
Entre Tours et Bordeaux, il est en phase de réalisation. La ligne devrait ouvrir en 2016 et mettre Bordeaux à 2 heures de Paris. Entre Bordeaux et le Sud, il est en phase d'étude, pour un tronc commun jusqu'au Sud-Gironde à Captieux, puis un partage en deux branches, l'une vers le Pays basque pour se relier à l'Espagne dont la ligne jusqu'à Irun sera terminée en 2016, l'autre vers Toulouse en passant par Agen. Le fuseau de 1 000 mètres a été déterminé. Il sera resseré d'ici à la fin de l'année à un fuseau de 500 mètres. L'enquête d'utilité publique sur ce tracé devrait débuter début 2011. Une fois l'enquête terminée, la déclaration d'utilité publique peut être prise. L'État et les partenaires du projet peuvent alors fixer un calendrier des travaux. L'ouverture de cette ligne à deux branches, vers Toulouse et l'Espagne, est prévue en 2020. Une liaison vers Pau à partir de Dax ou Mont-de-Marsan est également à l'étude.
Si ça vous à échappé.
En Midi-Pyrénées : des communes manifestent contre le tracé de la LGV envisagé.
Une centaine de membres d'associations de communes midi-pyrénéennes riveraines de la future ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse ont manifesté vendredi à Toulouse devant le conseil général contre les projets de tracé de la ligne qui menace, selon eux, leurs villages.
Les manifestants, portant tous un gilet jaune, se sont d'abord réunis à l'appel du collectif "Union pour la sauvegarde des villages" devant le siège de Réseau ferré de France (RFF), dont la façade a été escaladée par deux alpinistes, a constaté un journaliste de l'AFP.
|
Devant le conseil général, ils ont déployé des banderoles demandant que la "LGV (passe) au plus près de l'autoroute", appelant à la "sauvegarde de Castelnau |
ou déplorant "Pompignan sacrifié".
Les manifestants contestent particulièrement les trois tracés envisagés entre Montauban et Toulouse, qui traverseraient des villages et obligeraient à détruire certaines habitations, d'ici à la la mise en service prévue en 2020.
"Certaines de nos maisons, classées en zone inondable, sont rachetées pour une bouchée de pain", a affirmé à l'AFP Laurette Monbrun, précisant que d'autres habitants auront la ligne sous leurs fenêtres.
Des élus souhaitent un tracé longeant l'autoroute A62 (Bordeaux-Toulouse) pour ne pas accumuler les nuisances, mais des divergences existent sur le côté (est ou ouest) à privilégier.
"Il n'y a pas eu de concertation", a déploré Mme Monbrun, et "l'enquête d'utilité publique est prévue pour 2011, quand tout aura déjà été décidé".
Le tracé de la LGV devait être annoncé en janvier, mais conformément aux souhaits de plusieurs collectivités, une nouvelle réunion du comité de pilotage (Copil) se déroulera en mai, le temps pour RFF de mettre à l'étude des tracés proposés par le conseil général du Tarn-et-Garonne et par la communauté d'Agglomération de Montauban.
Ecrire au webmaster
|