Rappelons que, réunis en association, ces habitants avaient déposé au parquet de Mont-de-Marsan une première plainte rédigée par l'avocat montois Me Adrien Ville, en juin dernier. Celle-ci avait finalement été rejetée au motif qu'une personne morale ne pouvait s'estimer touchée par ce tracé. Qu'à cela ne tienne, c'est finalement en tant que personnes physiques que les réfractaires se sont adressés cette fois au procureur de Paris, s'adjoignant au passage les services de Me Gilbert Collard.
« Nous voulons révéler les dessous politiques de cette affaire », promet d'ores et déjà le ténor marseillais.
« Boîte aux lettres »
Quel rôle a eu le haut fonctionnaire François-Gilles Egretier dans la décision de modification du tracé ? Un déplacement de trois kilomètres qui a eu entre autres pour conséquence d'éloigner les rails de sa maison familiale située à Lachinoy, sur la commune d'Uchacq-et-Parentis, relèvent les plaignants.
« On cherche des boucs émissaires. Le nouveau projet, c'est moi qui l'ai conçu avec un cartographe. Ça a d'abord été une volonté politique entre élus de proposer un projet qui nous impacte moins et qui soit meilleur pour tout le monde. Egretier, c'est moi qui suis allé le voir, il nous a simplement servi de boîte aux lettres », s'insurge Jean-Claude Lalagüe, le maire d'Uchacq-et-Parentis.
Reste que dans le journal communal du mois de février, l'édile n'oublie pas de remercier chaleureusement sa « boîte aux lettres » qu'il appelle cette fois « notre antenne parisienne », qui s'est « rappelée au bon soin de M. Fillon ». Joint par téléphone, l'édile tempère : « On s'est un peu fait mousser. »
« On est sous Louis XIV, c'est la démocratie des fourchettes. Où est l'égalité, s'il faut quelqu'un qui parle aux puissants. Ça veut dire qu'il y a les aristos, et le pékin moyen qui ne sera jamais entendu », tempête Me Collard.
Car derrière toute l'affaire, traîne une série de mails pas piqués des hannetons échangés entre les différents protagonistes et dont nous nous sommes procuré quelques copies.
Ceux-ci pourraient laisser penser que le conseiller de la ministre de l'Économie aurait pu outrepasser son rôle de « boîte aux lettres », notamment en œuvrant pour la tenue d'une réunion à Paris au mois de février avec RFF.
« Merci de me tenir au courant du moment tactiquement le plus astucieux pour obtenir un rendez-vous pour un suivi du dossier », écrit François-Gilles Egretier à Jean-Claude Lalagüe, le 21 janvier 2010.
« À l'initiative de M. Egretier, rendez-vous à Paris le 9 ou le 10 février prochain avec M. Delion, directeur général de RFF, pour une matinée de travail », écrit encore Jean-Claude Lalagüe aux autres porteurs du projet alternatif le 26 janvier 2010. « Je vais cette fois entrer plus directement en contact avec un de mes confrères au cabinet Bussereau pour piloter plus finement l'avancée du dossier », annonce Egretier à Lalagüe, le 24 février 2010.
« Que faisait-il là-bas ? »
Le 24 février aura lieu la fameuse réunion avec RFF. Le 3 mars, Jean-Claude Lalagüe en dresse un compte rendu par courrier électronique : « MM. Delion et Picher ont confirmé le bien-fondé de notre démarche. » Parmi les présents, l'édile cite notamment le maire de Saint-Martin-d'Oney, Jean-Paul Le Tyrant, et… François-Gilles Egretier. Joint par téléphone hier soir, Me Adrien Ville s'interroge : « Que faisait-il là-bas ? »
Malgré nos multiples tentatives, il ne nous a pas été possible de joindre François-Gilles Egretier. Celui-ci nous a fait savoir que « n'ayant pas été entendu et ne sachant pas ce qu'on lui reproche, il n'a pas de commentaire à faire ».
À l'évidence, la justice devra trancher entre deux options. L'action du haut fonctionnaire s'est-elle bornée à un simple lobbying, faisant de bonne foi profiter certains édiles de son carnet d'adresses ? Pour discutable qu'elle puisse être, cette pratique ne tombe pas forcément sous le coup de la loi. Mais pour Me Ville , « Il importe peu que la décision finale soit fondée ou non. Ce qui importe, ce sont les moyens par lesquels elle a été obtenue. Selon moi, le simple fait que M. Egretier ait œuvré pour une décision dont l'issue lui procure un bénéfice patrimonial mérite une enquête judiciaire. »