La décision de revendre une partie des stocks de vaccins provoque déjà des réactions, d'autant que la France n'est pas seule sur ce marché où les clients sont rares
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Les soldes commencent mercredi 6 janvier. Sauf au ministère de la Santé où, depuis novembre, Roselyne Bachelot négocie discrètement la revente aux pays qui en ont besoin de stocks de vaccins trop importants contre la grippe A/H1N1. Après la révélation de l'opération hier matin par notre confrère « Aujourd'hui en France », le ministère a reconnu les faits et indiqué que le Qatar avait acheté 300 000 doses et que l'Égypte souhaitait en acquérir 2 millions. |
Les premières réactions montrent déjà que ce délestage permet à ceux qui étaient sceptiques, voire plus, sur la campagne vaccinale ne vont pas se gêner pour envoyer des pierres dans le jardin de la ministre et des experts qui l'ont conseillée.
1 Pourquoi vendre ces doses de vaccins
La décision a été prise dès le début novembre, lorsque le 1er, le gouvernement français a reçu une note de l'Emea (European Medicines Agency, agence européenne de la santé) indiquant qu'une seule injection serait suffisante pour que le vaccin protège contre le virus. Or la France avait commandé à quatre laboratoires 94 millions de doses : 50 millions à GSK à 7 euros l'unité, 28 millions à Sanofi-Pasteur (6,25€ la dose), 16 millions à Novartis (9,34 €) plus 50 000 à Baxter (10 €). Même si chaque Français était vacciné, il est apparu tout de suite évident que les stocks seraient trop importants et qu'il fallait envisager rapidement une politique de revente à laquelle le ministère des Affaires étrangères fût associé. Et ce d'autant que la durée de vie du vaccin n'excède pas un an.
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À cela, il convient d'ajouter que les Français sont plutôt rétifs à une vaccination qui , sans doute, ne leur a pas été très bien vendue : 5 millions de doses ont été utilisées. Ce qui ne correspond même pas au quart de la somme des populations définies comme prioritaires par le ministère de la Santé en juillet : 21, 5 millions de Français. Personnel de santé (2 millions), personnes chargées des secours et de la sécurité (1 million), personnes à risque (2,4 millions), femmes enceintes (800 000), enfants de moins de 1 an (800 000), jeunes de moins de 18 ans (14,5 millions). |
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2 La revente, un marché très concurrentiel
La France, qui a donné à l'OMS (Organisation mondiale de la santé) 10 millions de doses pour les pays qui n'avaient pas les moyens de les acquérir, a d'autre part décidé de vendre au prix où elle les a payés les quatre types de vaccins achetés. Pour l'instant, elle aurait donc reçu du Qatar 2,1 millions d'euros et attendrait de l'Égypte 14 millions d'euros. Mais d'autres négociations sont en cours. Notamment avec l'Ukraine, pour 4 millions de vaccins à 7 euros, soit une transaction à 28 millions d'euros. Mais la revente des vaccins H1N1 est devenue un marché très concurrentiel. Ainsi, à Kiev, Paris est en concurrence avec Berlin qui propose à l'Ukraine 2,2 millions des 50 millions de doses commandées par l'Allemagne.
La France négocie aussi avec le Mexique, mais les transactions envisagées avec la Roumanie et la Bulgarie ont été abandonnées par ces deux pays. D'autres États ont également annoncé leur décision de céder des surplus de vaccins : les Pays-Bas seraient prêts à céder 19 des 34 millions de doses commandées, l'Espagne a acheté au final 13 millions de vaccins au lieu des 37 initialement prévus. Et la Suisse est prête à vendre 4,5 millions de doses.
3 Un coût financier à éponger
En décembre 2009, l'évaluation du coût provisoire de la campagne contre la grippe A s'élevait à plus de 1 milliard et demi d'euros. Les 94 millions de doses de vaccins ont été payés cash pour plus de 675 millions d'euros : 350 millions à GSK, 175 à Sanofi-Pasteur, 150 à Novartis et 500 000 euros à Baxter. À cela, il faut ajouter la rémunération du personnel chargé de la vaccination (450 millions d'euros), l'achat des seringues, aiguilles et masques (300 millions). Sans compter les stocks de Tamiflu et les dépenses annexes pour l'envoi des bons de vaccination et la campagne de communication. D'ores et déjà, les mutuelles ont annoncé une augmentation de leurs tarifs de l'ordre de 5 %, dont une partie serait consacrée à éponger le coût de H1N1.
4 La campagne continue, les critiques aussi
La campagne de vaccination ne devrait pas s'arrêter, la directrice de l'OMS ayant déclaré qu'il « était prématuré d'affirmer que l'on soit arrivé à la fin de la pandémie au niveau mondial ». Mais les premières salves contre ce que certains appellent déjà avec dérision la « ligne Bachelot » ont été tirées dès hier.
Le professeur Bernard Debré (député UMP de Paris), qui avait déjà qualifié la grippe A de « grippette sans danger », a été très sévère dans sa réaction : « On a poussé à l'extrême stupidité le principe de précaution. Quand on exagère et on dramatise, on a tenu le pays en haleine pendant quelques mois, mais après on a la note. » Une note que certains comptent bien présenter au gouvernement.
Ainsi Jean-Marie Le Guen (député PS), spécialiste des questions de santé, réclame une mission parlementaire pour faire le bilan de ce qu'il a qualifié d'« échec », la politique vaccinale étant selon lui un « fiasco » aboutissant « à ce que nous ayons le plus faible taux de personnes vaccinées des pays développés ».
Mais c'est un expert reconnu, le professeur Marc Gentilini, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Pitié -Salpêtrière et ancien président de la Croix-Rouge française, qui donne le coup de grâce : « On se trouve devant un phénomène d'emballement qui me désespère. Jouer le pire n'était pas forcément jouer juste, et ceci se fait au détriment d'autres problèmes de santé publique nationaux ou internationaux. Je suis très sévère sur la façon dont on agit parce qu'on n'a pas accepté un dialogue vrai sur les risques que faisait courir ce nouveau virus. »
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