Associations et élus s'alarment d'une éventuelle atteinte à une nappe profonde en Sud-Gironde. A'liénor affiche sa sérénité.
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Les équipes du chantier auraient « tapé » dans le réservoir de la nappe d'eau.( PHOTO Stéphane lartigue)
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C'est une drôle d'histoire d'eau. Elle a jailli cette semaine dans la chronique du chantier de l'A65 Langon-Pau, quand Pierre Ducout, le maire (PS) de Cestas, a rédigé un courrier à l'intention des services préfectoraux de la Gironde. Excellent connaisseur de la ressource, président de la Commission locale de l'eau (CLE) en Gironde, Pierre Ducout n'a rien d'un environnementaliste gesticulant. Aussi sa missive n'en a-t-elle que plus de poids. « Il semblerait que les décaissements réalisés pour la mise en place de la chaussée aient recoupé le toit de la nappe du miocène, permettant ainsi son débordement vers la surface », écrit l'élu.
En clair, les équipes du chantier auraient « tapé » dans le réservoir de cette nappe d'eau censée être profonde, du côté de Bazas et de Lignan-de-Bazas. Inenvisageable ? « Pas du tout. Dans ces coins-là, les affleurements de la nappe sont nombreux. À certains endroits, on la trouve à 2 ou 3 mètres de profondeur sous des sables », argumente Gilbert Le Pochat, un membre de la Sepanso, une fédération environnementale affiliée à France Nature Environnement. |
Gilbert Le Pochat évolue en terrain connu. Géologue retraité, il travaillait au BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), un organisme qui suit les nappes profondes partout en France. C'est lui qui siège à la Commission locale de l'eau pour le compte de la Sepanso.
Selon le courrier de Pierre Ducout, ce percement de la nappe n'aurait rien d'anodin. Il justifierait un pompage permanent de 250 mètres cubes par heure « pour maintenir la chaussée hors d'eau ». Or la nappe miocène est protégée par un Sage, un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (lire ci-dessous). Et aucun prélèvement n'y est toléré dans le cadre du chantier de l'A65, autorisé par un arrêté interpréfectoral de mars 2008. « Aussi nous a-t-il paru indispensable que des mesures soient prises pour faire cesser cette situation anormale », poursuit l'élu.
Police de l'eau
À l'hôtel préfectoral, on assure ne pas avoir reçu ce courrier. Les services de l'État auraient-ils eu vent de l'affaire ? « J'ai moi-même saisi la police de l'eau », appuie Gilbert Le Pochat. « Il serait logique que le préfet fasse dresser un procès-verbal. Et qu'il fasse appliquer la loi, c'est-à-dire cesser les prélèvements. Il va falloir qu'A'liénor rehausse la chaussée. Sinon, il faudra pomper ad vitam aeternam », avance de son côté Philippe Barbedienne, le directeur de la Sepanso. Hier soir, le préfet Dominique Schmitt faisait savoir qu'il demandait « des contrôles des forages et des rabattements de nappes » sur le site dès mardi matin. Une expertise est en outre confiée au BRGM.
Honnie par les écologistes, l'A65 cristallise toujours les passions. Les Verts n'ont pas tardé à se saisir de l'affaire pour réclamer l'arrêt du chantier. Hier, sa secrétaire régionale, Laure Curvale, a à son tour écrit au préfet en ce sens en évoquant « des poursuites judiciaires à l'encontre du concessionnaire ».
Monique De Marco, la chef de file des Verts au Conseil régional, en profite pour réclamer le soutien d'Alain Rousset, le président PS de la Région. Alain Rousset, qui a porté à bout de bras le dossier de l'A65 pendant des années, ne souhaitait pas réagir hier après-midi.
A'liénor tient ses positions
Au siège palois d'A'liénor, filiale d'Eiffage, on cerne sans peine les enjeux de l'affaire. Maintes fois attaquée sur ce registre, A'liénor se targue d'oeuvrer dans l'excellence environnementale. Piocher dans une nappe protégée et la laisser s'écouler sans trop le crier sur les toits ferait mauvais genre.
Olivier de Guinaumont, son patron, affiche sa sérénité. « Je n'ai pas de signe qui laisse à penser que l'on serait dans ce scénario-là. De toute façon, si l'administration est saisie, j'imagine qu'elle va diligenter une expertise. On ne va pas mettre notre mouchoir dessus », réagit-il.
A'liénor admet que le chantier est envahi par l'eau dans le secteur de Bazas - Lignan-de-Bazas. Mais, selon l'entreprise, il s'agit d'eau de ruissellement qui s'accumule dans les déblais du chantier. « Nous sommes sur des endroits au sommet des collines, nous creusons 6 à 8 mètres sous le niveau naturel du sol, mais nous sommes encore 10 mètres au-dessus des ruisseaux qui serpentent au pied des coteaux. J'ai du mal à comprendre comment nous aurions pu atteindre l'eau des nappes profondes », poursuit Olivier de Guinaumont, qui souligne le sérieux du dossier déposé au titre de la loi sur l'eau.
Pendant ce temps, à Lignan-de-Bazas, on s'interroge. « On savait qu'A'liénor aurait des problèmes, il y a de l'eau partout. Ils pompent tout le temps. Ils ont dû toucher certaines nappes puisque des puits ont été asséchés. Mais l'eau est revenue depuis. En tout cas, s'ils ont éventré le miocène, je ne vois pas comment ils vont s'en sortir », évalue Olivier Dubernet, le maire de cette petite commune. La suite dès mardi.
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Actualité de l'A65 :
le chantier prend l'eau
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06.04.10 -Ce n’était pas le miocène
La semaine passée, Pierre Ducout, le président de la Commission locale de l’eau en Gironde (et maire PS de Cestas), avait adressé un courrier à la préfecture pour s’inquiéter d’une possible atteinte de la nappe d’eau du miocène sur le chantier de l’autoroute A65 Pau-Langon à hauteur de Bazas.
Cette nappe affleure en certains points du territoire sud-girondin. Sa qualité lui vaut d’être protégée par le SAGE Nappes profondes de Gironde.
La préfecture d’Aquitaine a immédiatement diligenté des analyses qui ont écarté ces soupçons.
Le service police de l’eau de la Direction départementale des territoires et de la mer a procédé aujourd’hui à l’inspection visuelle des déblais et s’est penché sur les études des coupes géologiques du secteur.
Il en résulte que «les travaux d’aménagement n’ont pas intercepté la nappe du miocène, mais la nappe superficielle des sables, comme prévu dans le dossier loi sur l’eau présenté par A’lienor» (le constructeur, filiale d’Eiffage) selon la préfecture.
Les écoulements sont évalués à 30 m3 par heure au maximum. « Des analyses complémentaires vont être demandées à l’aménageur, ainsi qu’une étude précise quant au fonctionnement hydraulique du secteur en cause », conclut l’administration.
Par jean-denis renard
Ils sont nombreux dans la famille des « -cène ». Pliocène, miocène, oligocène, éocène et autres désignent
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Ils sont nombreux dans la famille des « -cène ». Pliocène, miocène, oligocène, éocène et autres désignent des époques, vieilles de plusieurs millions d'années, qui ont laissé des traces sous nos pieds sous forme de couches géologiques.
Celles-ci sont séparées par des argiles et des marnes imperméables. Dès lors que l'eau s'immisce dans ces couches par le jeu d'un écoulement depuis les Pyrénées ou le Massif central, elle abonde des nappes captives qui ne sont pas en relation avec les eaux de surface.
En Gironde, plusieurs nappes sont ainsi schématiquement superposées. Le réservoir du miocène est la nappe captive la plus proche de la surface (voir infographie). À l'indice de notoriété, elle n'égale pas l'oligocène et l'éocène, très sollicités pour l'alimentation en eau potable. À l'échelle du département, l'eau du miocène représente environ 3 % de l'eau potable captée.
La ressource protégée
Ce faible total n'en est pas moins précieux. La percolation de l'eau dans les nappes captives garantit sa pureté. Le mécanisme est très lent, depuis les massifs montagneux vers l'extrémité du plateau continental et l'Océan. On estime que cette ressource est tombée du ciel à une époque comprise entre 5 000 et 40 000 ans avant de couler par le bec de la carafe. Si elle a aussi des usages industriels et agricoles, l'eau des nappes profondes est protégée pour sa potabilité. Quatre nappes (miocène, oligocène, éocène et crétacé) sont concernées par un Sage (schéma d'aménagement et de gestion des eaux) nappes profondes Gironde, dont l'objet est de préserver la ressource en quantité comme en qualité.
L'eau du miocène alimente pour partie les réseaux d'adduction du Sud-Gironde. Sa qualité dépend largement de la géologie. La nappe affleure en de nombreux endroits, sous le couvert boisé (158 kilomètres carrés environ) et sous des terres agricoles (56 kilomètres carrés). Ce qui génère des pollutions au nitrate dans le Bazadais.
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