MEDECINE DE PROXIMITE. Les députés ont voté le principe d'un accès aux soins de premier recours pour tous. Reste à gagner la guerre contre les déserts médicaux
Bachelot jette la balle dans le camp des médecins
« Pour attirer les médecins, il va falloir trouver des mesures incitatives tenant compte de l'évolution des modes de vie », prévient Michel Glanes, de la Fédération hospitalière. (Photo maxppp)
Roselyne Bachelot l'affirme : d'ici à 2010, 90 % de la population devra se trouver à moins de vingt minutes d'une structure d'urgence. « La ministre de la Santé raconte n'importe quoi », réplique Patrick Pelloux, le très critique président du Syndicat des urgentistes.
Le point, au lendemain du vote par les députés d'une partie de la loi très controversée sur la réforme hospitalière.
1 Éviter les déserts médicaux
L'Assemblée nationale a entériné le principe d'un accès aux soins de premier recours dans le respect des exigences de proximité, de qualité et de sécurité. Cette offre inclut l'ensemble des professionnels susceptibles d'y répondre : médecins généralistes, spécialistes, paramédicaux et pharmaciens d'officine.
Michel Glanes, délégué régional aquitain de la Fédération hospitalière de France, est « très satisfait de ce schéma de soins de premier recours, qui s'ajoute au schéma régional d'organisation sanitaire ». Il n'ignore pas que c'est plus facile à mettre en place à proximité d'une ville qu'en pleine campagne.
Il cite l'exemple de régulation qui a été inventé en Lot-et-Garonne. « Quand un patient appelle et que son médecin est absent, la communication est prise en charge par un médecin libéral installé dans les locaux du 15. Le patient est orienté vers un autre praticien, pris en charge par une ambulance si nécessaire, ou rassuré sur un état qui peut attendre le lendemain. »
La promesse de Mme Bachelot pose en effet la question des déserts médicaux, qu'un député de Lozère a dénoncés en termes assez vifs. Annonçant que son département compte davantage de vétérinaires que de médecins, il lance qu'« il vaut mieux, pour y être soigné, être une vache qu'un homme ».
2 Trouver un système d'incitation
Une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et de la statistique (Drees) tire en effet l'alarme. Le nombre de médecins (215 000) devrait chuter de 10 % d'ici à 2020 et ne retrouver son niveau actuel qu'en 2030. Mais la population aura alors progressé de 10 %.
Comment inciter les jeunes médecins à s'installer ailleurs que dans les régions déjà largement pourvues ? C'est la question que doit résoudre Roselyne Bachelot. Sachant que la coercition ne donnera pas de résultats et que l'incitation a vite trouvé ses limites.
Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, a pris position, rappelant que « notre système de soins est financé pour l'essentiel par la solidarité nationale et les complémentaires santé, ce qui permet à l'ensemble des professionnels de santé des revenus stables et pérennes ».
Il demande donc que s'applique une contrepartie : « La santé de tous nos concitoyens doit prévaloir sur les seuls intérêts corporatistes. Celles et ceux qui résident en Picardie, en Normandie, en Champagne-Ardennes, en Bourgogne ou en Auvergne contribuent de la même manière que ceux qui habitent la Côte d'Azur ou l'Ile-de-France. Il n'y a aucune raison qu'ils continuent d'être pénalisés. »
Le projet de loi prévoit une « régulation territoriale de la démographie médicale par le numerus clausus de première année, la répartition des postes d'interne par spécialités ».
Michel Glanes se montre tout à fait favorable à cette disposition, conscient, néanmoins, qu'« il va falloir trouver des mesures incitatives qui tiennent compte de l'évolution des modes de vie ». Il préconise ainsi la création de maisons de santé associant les professionnels, car il observe que les médecins souhaitent travailler en équipe mais ne veulent plus être obligés de coupler obligatoirement lieu de résidence et lieu de travail. « De plus, ajoute-t-il, il faudra aussi que les patients comprennent que nous avons changé d'époque et que l'on ne peut plus demander à son médecin de se déplacer à 22 heures pour le moindre bobo. »
La loi garantit aussi le maintien de services d'urgences dans les hôpitaux de proximité. Une disposition qui n'emporte pas la conviction de Régis Garrigue, secrétaire général adjoint de l'Amuf : « Dans l'esprit de la ministre de la Santé, craint-il, on risque de se retrouver avec un sous-dispensaire. Si on n'a pas de vrais médecins, de services de radiologie, ni de lits pour les malades, alors les urgences se transformeront en dispensaires. »
3 À contre-courant de l'opinion
Alors que la loi Bachelot veut rationaliser et économiser, les Français, selon un sondage TNS-Sofres diffusé hier, dénoncent à 89 % le manque de moyens humains et financiers de l'hôpital public. Ils rendent hommage à la compétence des personnels et ne souhaitent pas que l'on touche à leur hôpital de proximité.
Ainsi, ils sont 76 % à se dire défavorables à la fermeture de certains petits hôpitaux de proximité au profit de grands hôpitaux mieux équipés mais plus éloignés. Or, c'est un des axes principaux de la loi Bachelot, qui, en prônant la création de territoires de santé, veut répartir les tâches entre établissements.
source : sud ouest
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