Des poissons menés à l’abattoir des banques
Car l’animal humain sauvage a bel et bien été bâillonné par ce monde global sans issue, semblons-nous croire, ou nous fait-on croire. L’homme "moderne" navigue plus qu’il ne mord ; pour défendre son bifteck quotidien, il louvoie, prend des poses, se faufile entre les mailles des filets voraces des dividendes pour écumer les derniers jours de sa vie économique, n’attendant plus que la délivrance dans une petite retraite, incertaine parfois, mais c’est toujours ça de gagné, et mieux que rien.
Le casino mondial est en panique. Les dés sont pipés et les Dalton qui fabriquent les jeux ramassent les mises et se construisent trois cents îles flottantes au sud de Dubaï, un nouveau continent appelé "The World", pour quitter leurs tours d’ivoire européens, chinois, arabes, brésiliens, hindous ou américains, quand le raz-de-marée final parera la terre bleue de son sang économique.
Même les catastrophes naturelles aux conséquences parfois inextinguibles sur les peuples de cette terre (tsunamis, cyclones, tremblements de terre, incidents nucléaires graves, et toujours les famines, les maladies, etc.) n’éteignent pas l’hégémonie des patrons de la finance et ne leur redonnent pas le sens de valeurs plus justes, plus urgentes.
Les super héros de la finance n’ont peur de rien, ne vivent que pour amasser plus d’argent et de pouvoir : une petite cour de récréation ultra fermée, où les plus grands et les plus forts d’entre eux se pâment d’être les plus riches, les plus innovants, les plus puissants, les plus importants d’entre eux.
C’est mieux que de n’être rien, que d’appartenir à la masse des petits hommes, qui vivote avec de petits rêves, à défaut de pouvoir s’en payer des plus libres. Eux ont des plaisirs magnifiés, grandioses et vaniteux, voire sordides, puisque les désirs simples sont tués dans l’œuf de la vertu monétaire. Des désirs qui ne peuvent plus se rêver, tant ils disparaissent, avant même d’être dans l’action d’imaginer, pour juste acheter ou se faire offrir des objets, des lieux, des hommes marqués comme du bétail. Un marquage qui participe à la reconnaissance de ces castes dont l’indigence de la morale va jusqu’à préférer un yacht avec des fauteuils non plus de cuir…, mais en prépuce de cachalot ou de baleine.
Car le rien est partout, plus rien ne va !
Le monde global nous mâche et nous cisaille de ses mâchoires cannibales à coups de bas salaires, de loyers ultra exorbitants au nom d’un marché abscons et indécent; à coups de contrats inexistants remplacés par de longs stages indéfinis ou de contrats de court… oisie de moins de trois ou six mois où l’on donne le meilleur de soi pour se retrouver de nouveau à se vendre auprès de multinationales qui n’offrent que trois CDI sur presque une centaine d’annonces d’embauche en "contrat stagiaire" sur leurs sites Internet : tous les départements y cherchent des stagiaires.
Des services administratifs aux bureaux de la finance, en passant par la comptabilité, la communication, l’archivage, la production, etc. Il ne manque plus qu’un poste à proposer : stagiaire PDG.
Même Coluche l’aurait pas imaginée, celle-là, de blague, tant l’on marche la tête en bas et le dos courbé à souffrir d’un lumbago aigu chronique, tout en devant rester droit comme un "i" et les mains agrippées au bureau miraculeux qui vous a accordé un emploi en CDI, putain, quelle chance, j’en ai décroché un !
À trente-six balais, il était temps de trouver un "plan sûr" pour espérer cette retraite qui s’éloigne toujours plus de mes futurs soixante-cinq ans. Les mesures prises on non-appliquées par les gouvernements et les patrons voyous scient les branches du système social de nos familles et de nos enfants sur lesquels nous sommes tous assis. Tu penses ! C’est la faute aux fraudeurs, dit le gouvernement. Je pose la question : et toi, lecteur, est-ce que tu penses ?
Avec la vitesse du Net et l’exécution des réponses instantanées que tu dois exécuter chaque jour, y arrives-tu encore à penser ?
Et tous ces stagiaires (fainéants ?) qui ne trouvent pas de contrats solides et qui ne cotisent pas pour les caisses sociales de notre pays. Et toutes ces délocalisations qui stigmatisent nos industries déshabillées en "escort girl" qui sourient à l’Asie et ces jours-ci à Rio et à son carnaval de promesses, pour offrir aux actionnaires (action-nerf) assis impavides derrière des bureaux, plus de dividendes non imposables ou défiscalisables, selon la niche du chien qui les accompagne, laissant leurs anciens employés et ouvriers errer vers les caps Pôle emploi et autres services d’aide sociale pour has been usés, pour cerveaux burned out of future qui boivent le coca comme de bons citoyens bien élevés, avec un parfait non-sens critique qu’ils affichent avec constance et dignité.
Car il n’y a plus rien à faire contre ce monde immense qui nous impose ses critères de priorité : l’argent, toujours l’argent, encore l’argent et rien que l’argent pour ces hommes de pouvoir qui combattent avec l’énergie et la fièvre du désespoir le moindre centime à gagner.
Les laissés-pour-compte du système : économiquement indésirables<
Mes mots sont simples et humbles comme la faim. Ils ne structurent aucune pensée philosophique, aucun discours politique, aucune doctrine religieuse, aucune appartenance raciale ou sociale. Je suis une femme blanche, diplômée, d’à peine trente-six ans, qui vit deux fois au-dessous du seuil de pauvreté dans ce pays si riche de tout, qui est trop "intellectuelle" pour un poste "manuel" et trop "vieille" pour un "jeune" poste intellectuel… en stage.
Ah !... Oui, je suis également autodidacte, entrepreneuse et femme seule avec un enfant. Pas facile. Qui me représente ? Aucun syndicat, aucun parti. J’ai toujours été une comptée-à-part, en termes économiques. J’ai toujours voulu garder ma liberté de parole et de mouvement. Pardonnez-moi cette dernière offense.
Une comptée-à-part qui avait prédit le match Chirac-Le Pen bien avant les résultats, et que les services de communication socialistes n’ont pas su écouter… Alors que je côtoyais les plateaux télévisuels politiques. Alors que j’écoutais justement les nombreux, constants et parfois infimes signes observés tous les jours de la rue, du peuple français, dans sa globalité. Une comptée-à-part qui garde en mémoire deux petites actualités passagères, passées presque inaperçues dans les médias et qui pourraient être prémonitoires (?).
Il s’agit de la première journée générale de grève de stagiaires en novembre 2005, organisée par "Génération précaire", qui voulait alerter sur leur sentiment que "les possibles se réduisent dans ce pays" ; une journée née d’un appel spontané et diffusé sur le Net. Et la première manifestation de Chinois en colère à Paris, le 20 juin 2010, contre l’insécurité grandissante qu’ils connaissent dans leur quartier de Belleville. Une deuxième marche chinoise a eu lieu le 19 juin 2011 avec pour slogan "Sécurité pour tous"… Deux extrémités du monde économique global, ici en France, pays riche malgré tout ce désordre mondial, un monde économique global qui pourrait être meilleur s’il était plus juste et plus équilibré dans ses échanges internationaux.
J’attends. J’attends d’avoir encore plus faim. Car je sais que je ne suis pas seule et que la colère de ne plus pouvoir nourrir nos enfants nous ramènera en arrière, à la raison historique.
À la raison mammifère et non plus à celle du poisson effrayé sorti de son bocal originaire et plongé dans un océan immense qui le perd plus qu’il ne le sauve. L’animal politique devrait, lui, s’entourer de chercheurs scientifiques, de sociologues, de philosophes, d’historiens, pour mieux servir l’avenir de son peuple… et non de cabinets de communication qui réfléchissent à flux tendu sur l’instantané des problèmes à résoudre. Le "Radeau de la Méduse" ne peut plus être colmaté. Il faut le reconstruire dans sa totalité. Il faut le penser et aller courageusement le construire.
448 euros mensuels : compter, tout et tout le temps
Rien à faire des ultra larges écrans led, des multiproduits de M. Steve Jobs, des écrans tactiles et livres ebooks qui se graissent sous nos traces de doigts, des BlackBerry, des Smartphones, des iPod et des iPhone… Des objets obsolètes dans quelques années. Rien à faire de tous ces produits importés d’Asie, fabriqués au prix du sang, payés par crédit. Je sirote un coffee con latte, en écoutant le son vinyle de bons vieux standards de Barbra Streisand (I got plenty of nothin, Second Hand Rose, The best things in life are free, Nobody knows you when you’re down and out). Une merveille pour mes oreilles et mes rides de bonheur inquiet. Un stylo au bout des doigts et des feuilles incandescentes de blancheur.
Et je fais mes comptes : 448 euros par mois. Je fais partie de ceux qu’on montre du doigt. Les RSAistes, le cancer de l’économie française. 448 euros par mois : moins "un restant" de loyer (grâce à l’APL), l’électricité, le gaz, l’eau, l’assurance habitation, le téléphone-internet, l’essence, un emprunt alimentaire à rembourser. Même pas 200 euros par mois pour faire vivre mon fils et ma carcasse. Le moindre médicament non remboursé pose problème, le moindre tour de manège ou paquet de bonbons doit se négocier sec, comme une formule 1 qui prend son virage et qui veut parader devant ce fils si précieux.
Les sacs pour aspirateur ou une ramette de papier pour imprimer mes CV et quelques nouvelles ou chroniques sont un achat de luxe.
Hervé Keirnes / Flickr cc
Je pense à Balavoine, qui serait un gueuleur de premier ordre à s’en casser la voix devant tant d’hérésie humaine. Il me manque souvent et me donne du courage. Je me dis que Coluche doit pleurer tous les jours. Je pense à cet harmonica que je n’ai pu acheter, dans un de ces "magasins du monde" qui vante et qui vend des articles écocitoyens. Le gérant m’informe du prix qui n’était pas affiché, comme pour beaucoup de ses articles : 6 euros ! Il en est sûr, son sourire carnassier me l’assure. Pourtant, il était au pied d’une étagère, couvert de poussière, dans son étui en carton vert et bleu. Seul.
Un harmonica d’enfant à la couleur or, sur lequel sont inscrites des lettres pleines d’avenir : Happy Boy. Et en plus petit : "Made in China". Aujourd’hui, je viens de l’acheter. Il était toujours dans son coin, caché, depuis mars dernier… Il est à côté de moi, pendant que j’écris ces mots. Parce que je ne sais pas chanter comme le conseil de Samuel Beckett : "Quand on est dans la merde jusqu’au cou, il ne reste plus qu’à chanter."
Alors je sirote mon café au lait, j’écoute à présent Déjeuner en paix de Stephen Eicher. Je vais chercher, toujours et encore, du travail, sur mon écran. Parce que maintenant on dit du travail, pas un métier. Et j’attends. J’attends que le pain manque encore et encore et que les femmes, les mères responsabilisent à nouveau le monde de la finance. Des êtres humains éteints qui ont oublié la flamme de leur enfance. Et qui piétinent celle de mon enfant.
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