C'est une plainte de la société Izco en novembre 2006 pour pratiques anticoncurrentielles qui a déclenché dans la foulée l'enquête de gendarmerie diligentée par le parquet à l'encontre de Jean-Marc Boine. Le syndicat, qu'il présidait depuis sa création en 1990, bénéficiait alors de la part de l'agence de l'eau d'une offre de subvention pour des travaux d'assainissements non-collectifs sur les 27 communes couvertes par la structure.
La main sur les dossiers
Pour être éligibles aux fonds publics, les travaux chez les 66 particuliers sélectionnés devaient être délégués au syndicat. « Vous aviez la main sur les dossiers », lance le président Bobille.
En d'autres termes, à charge pour le Sinel, via un appel d'offres de sélectionner les entreprises. Comment les deux sociétés Tintarre et Nasarre ont-elles été choisie ? « Par le vécu », répond l'ancien élu. Il n'en fallait pas moins pour déclencher l'ire du président Bobille. « Le vécu ne fait pas partie des critères retenus par le Code des marchés publics. Un élu tel que vous devrait quand même le savoir ! » lance le magistrat.
D'autant que les éléments révélés par l'enquête ne plaident pas pour une totale transparence de la procédure. Car sur les 66 chantiers sélectionnés, 11 avaient démarré plusieurs mois avant la régularisation de l'appel d'offres. Et d'emblée, ils avaient été confiés… à Tintarre et Nasarre ! « Le marché public est régularisé le 22 juin. Certains travaux ont débuté en février et en mars. Comment ont-elles pu se voir attribuer le marché public 5 mois avant sa régularisation ? » interroge le président.
« On avait déjà choisi les sociétés avant l'appel d'offres », lâche Jean-Marc Boine. « Mais ce n'est pas comme ça que ça se passe ! Bien sûr, pourquoi respecter la loi ? Pourquoi respecter les règles du marché public, puisqu'on a déjà choisi ? ! Les seules circonstances qui auraient pu vous permettre de faire cela, c'est en cas de catastrophe technologique ou naturelle. Je précise, c'est Klaus ou une explosion nucléaire. Cela ne me semble pas être le cas ici », s'agace le président. « J'ai cédé à la pression du terrain, je me suis mis à la place des gens », balbutie l'ex-président.
Fausse attestation
Pire, rappelle, le procureur Jean-Philippe Récappé : « Pour les faire entrer dans le marché public, vous avez envoyé une attestation à l'agence de l'eau qui fixait le début des travaux au 6 juillet. Or ils avaient commencé 6 mois avant. Sans ce faux, vous n'auriez pas obtenu la subvention ! »
Quant à la troisième société Izco, a-t-elle été sciemment écartée ? Pour le parquet, pas de doute : « Vous avez favorisé deux entreprises, c'était votre choix personnel », lance encore le ministère public. Car là encore, la liasse de documents transmis à la préfecture ne manque pas d'interroger. La société Izco recevra un courrier de la commission d'appel d'offres lui indiquant qu'elle n'est pas retenue le 12 juin. Problème : à cette date, la commission ne s'est pas encore réunie ! « Ce courrier n'est pas signé de ma main » précise l'ancien élu. Le président poursuit : « La candidature d'Izco disparaît lors de la commission d'ouverture des plis. Elle n'est même pas mentionnée sur le PV. C'est quand même surprenant ! »
Bordereaux vierges
Autre problème et non des moindre : les offres finalement enregistrées des deux sociétés sont rigoureusement identiques. Ce qui n'était vraisemblablement pas le cas des offres initiales. « Elles étaient déjà les moins disantes. Je leur ai demandé de s'harmoniser. Les administrés n'auraient pas compris qu'il y ait deux prix différents selon les sociétés. Ça partait d'un bon sentiment », explique encore Jean-Marc Boine. Le témoignage d'un fonctionnaire territorial accable un peu plus l'ex-président. Il révèle que les bordereaux portés à la commission avaient été modifiés. « Vous leur avez fait signer des documents blancs. Vous avez bidouillé une harmonisation. L'offre retenue, c'est pas eux qui l'ont remplie, c'est vous ! » tacle le procureur.
Tout au long de l'audience, l'ancien conseiller général (par ailleurs ancien coassocié d'une entreprise de travaux publics) s'est défendu de tout copinage. « Par expérience, je pensais que les deux sociétés retenues étaient meilleures pour les administrés. Je n'en ai tiré aucun bénéfice », explique-t-il. Quant à son avocat, Me Ducamp, il pointe un droit des marchés publics particulièrement complexe : « une usine à gaz », explique-t-il avant de réclamer l'indulgence du tribunal. « Personne ne prétend que vous vous soyez enrichi dans cette affaire mais vous vous êtes affranchi des règles », concède Jean-Philippe Récappé avant de requérir une amende de 6 à 7 000 euros dont une partie avec sursis.
Délibéré le 12 juillet.