Un million de litres de carburant par an
Depuis, la Cuma, qui rassemble une cinquantaine d'agriculteurs du secteur, fait tourner trois de ses véhicules (un camion, une voiture et un tracteur) avec un biodiesel à base de graisses de canard ou de porc et d'huiles de friture. Le gras est notamment récolté chez des restaurateurs périgourdins qui peinent souvent à s'en débarrasser. Le gras de canard intervient en effet comme agent isolant qui protège les aliments de l'air. On l'utilise pour conserver les confits, les foies gras donc on ne le mange pas, on le jette.
Avec un "gisement théorique" annuel estimé entre 1.000 et 1.500 tonnes, le département laisse entrevoir un potentiel prometteur de 1.000.000 de litres de biocarburant par an, explique Jules Charmoy. "Notre démarche n'est pas économique mais éthique" et environnementale, le biodiesel étant largement moins polluant que les carburants classiques, insiste l'éleveur.
Avec un coût de production de 1,11 euros le litre (contre 92 centimes le litre de gasoil détaxé, auquel ont accès les agriculteurs), la rentabilité n'est pas l'objectif premier. "On produit pour nous et la Cuma", poursuit-il, jugeant "indispensable" la "multiplication" d'expériences similaires pour favoriser les "circuits courts" et le recyclage local des déchets.
On chauffe, on touille, on laisse reposer, et c'est prêt.
Faire du carburant avec de l'huile, le principe est vieux comme le moteur, et la technique, bien rodée : "dans un estérificateur, on chauffe la graisse à 120° pour éliminer l'eau, explique l'éleveur. On réduit ensuite à 65°, on met de l'alcool et de l'hydroxyde de potassium. On agite pendant une heure, on laisse décanter : au fond, la glycérine se forme avec, au-dessus, le biodiesel".
S'il est techniquement possible de faire tourner un véhicule "avec du '100% biodiesel'", uniquement issu de graisses animales, "on s'en tient à un mélange 30% biodiesel / 70% gasoil", conformément à la loi, souligne Jules Charmoy.
Les nouveaux moteurs font la fine bouche
En 2010, ils ont produit 20.000 litres de biocarburant, intégralement "auto-consommés". "Avec des moteurs d'il y a 8, 10 ans, ça marche très bien. Avec les nouveaux, bourrés d'électronique, c'est plus dur", concède-t-il, reconnaissant que la méthode "a besoin d'être affinée" afin d'obtenir un biocarburant plus pur.
Conduite avec l'IUT Génie Chimique de Périgueux, l'Institut européen de la surveillance prédictive des machines (IESPM) de Lyon et le syndicat des déchets de la Dordogne, l'expérience périgourdine est appuyée par Roule ma frite 17 (RMF17), association basée en Charente-Maritime qui milite pour la réduction de la voiture dans les transports et l'utilisation des huiles récupérées comme carburant alternatif.
"Pour un bilan carbone raisonnable", l'initiative de Saint-Aquilin "est une excellente solution", estime Romain Gaudier, l'un des membres de RMF 17, plaidant pour un "changement" de la loi française qui interdit aux particuliers de rouler avec de l'huile de friture alors qu'une directive européenne de 2003, jamais transposée en droit français, autorise les agrocarburants.