« Il fait beau. Il y a encore à manger en Europe du Nord », soupire Jean-Pierre Serres. « Tant qu'il n'y aura pas deux ou trois bonnes gelées là-bas, elles ne bougeront pas », renchérit Lucette, sa femme, qui vient lui tenir compagnie en cette période de disette. « Et puis s'il venait à en prendre quelqu'unes, c'est plus rapide à deux », sourit-elle, en regardant le sol et ce filet qui ne demande pourtant qu'à se refermer sur une proie. Reste que ce matin, les ramiers qui oseraient se poser à proximité de la palombière ont toutes leurs chances de garder la vie sauve. Ici, le p'tit déj' a goût de purée de pois. Un brouillard à « couper au couteau » qui ne se retirera pas avant la fin de matinée. Une véritable « hantise » pour le compteur.
Pour se rassurer, Jean-Pierre Serres joue son joker : le coup de fil à un ami. « Comment c'est chez toi ? » « Ça se lève ! » Il en a de la chance Claude. Jean-Luc aussi d'ailleurs. « Je n'ai pas trop le temps ! Je te laisse, j'ai du travail ! » « Il doit avoir pris quelque chose », sourit le Labritois, lui qui a bien cru voir venir l'ouverture tôt le matin, avec environ 70 volatiles posés non loin de son piège. Avant que les aléas de la chasse ne se chargent du reste…
« Petit match, hein ! »
Alors du coup, dans la petite palombière des Serres, on patiente. On discute. On rigole. On profite inlassablement du calme et de la vue, majestueuse, malgré le brouillard. Et on écoute Nouvelle-Zélande - Australie à la radio. « Petit match les Français, hein ! » Pour le coup, sûr que l'image n'a pas manqué.
Et puis on pense au moment immuable où les palombes arriveront dans les Landes. Depuis ses débuts de compteur dans les années 1970, Jean-Pierre Serres en dénombre plus de 50 000 par an à Labrit. Avec à peine 7 000 ramiers pour le moment, tous les espoirs restent donc permis avant le 20 novembre.
À midi, la brume commence à se dissiper. Enfin. Six palombes passent à 50 mètres de la cabane. Le chasseur tente de les attirer. En vain. Las, un pinson se pose sur le sol dans la foulée. Pas de quoi actionner le filet. Chambreur l'oiseau ? Rira bien qui rira le dernier.