Sa forêt de pins, déjà grandement abattue par la tempête, est maintenant rongée menu par les insectes. Francis Cousturian, à Saint-Avit, a tout perdu.
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À Saint-Avit, Francis Cousturian et ses arbres âgés de plus de vingt ans détruits par les scolytes. Photo Loïc Dequier |
Après la tempête Klaus du 24 janvier 2009, voici le typhon scolyte de l'été 2010. Et comme beaucoup de sylviculteurs landais, Francis Cousturian est frappé par cette double peine.
Sur les 300 hectares de pins maritimes achetés ou plantés depuis 25 ans, il ne lui reste plus un mètre cube de bois de qualité. Nous l'avions déjà rencontré, très pessimiste, quelques jours après Klaus (lire « Sud Ouest » du 9 février 2009), où il se demandait comment préserver son patrimoine. Aujourd'hui, il a vraiment le moral dans les chaussettes. |
« Parmi les parcelles touchées le 24 janvier 2009, dit-il, il me restait, dans un bois de 50 hectares à Saint-Avit que j'avais moi-même planté en 1988, environ 60 % d'arbres debout. Je m'étais dit qu'au moins, je pourrais en tirer quelque chose. Hélas, après la chenille processionnaire qui avait affaibli les pins, l'insecte a terminé le travail. Tous les pins sont grillés, desséchés, morts. Il n'y a plus rien de valable, car ce bois est désormais invendable. Tout est perdu. »
Il faut tout raser
Un à un, il regarde les arbres, dont le bois frais est bouffé sous l'écorce, les aiguilles roussies. Des troncs bien droits devenus des baguettes, qui, bientôt, vont tomber en poussière. « C'était du premier choix, raconte-t-il, la voix étranglée. On avait éclairci le bois, ébranché au pied, débroussaillé. Bref, soigné aux petits oignons. Là, il faut tout raser. »
Pour faire le point sur la situation exceptionnelle qui touche le massif forestier (chenille processionnaire, attaque de scolytes, traitements préventifs à effectuer), le Conseil général des Landes tient une session spéciale consacrée à la forêt, la troisième en 18 mois. Elle se réunit aujourd'hui lundi 20 septembre à partir de 10 heures à l'Hôtel Planté à Mont-de-Marsan. À cette occasion, le président Henri Emmanuelli compte interpeller le ministre de l'Agriculture sur l'échec du plan Barnier et sur le dossier de l'assurance forestière, un des oubliés de la dernière Loi de modernisation agricole adoptée cet été par les députés.
Francis Cousturian, commerçant et artisan (il a une entreprise de pâtisserie et une brasserie à Mont-de-Marsan) ne veut pas faire pleurer dans les chaumières, ni que l'on s'apitoie sur son sort. Mais il vit en ce moment une épreuve qui conditionne l'existence et le futur de l'ensemble du massif forestier d'Aquitaine planté de pins. Bientôt à l'âge de la retraite, ce Montois a déjà transmis son patrimoine à ses enfants.
Et c'est justement là que le bât blesse. « Je n'ai jamais fait cela pour m'enrichir personnellement, dit-il, mais pour constituer un capital à transmettre à mes descendants. C'était pour eux, j'avais déjà payé les droits de succession, la donation, tout était réglé. Même les impôts forfaitaires, calculés sur un revenu qui n'existera pas, ont déjà été payés. C'est plus qu'une perte sèche, sans compter tous les travaux engagés depuis 30 ans. Et je ne suis pas le seul : tous les sylviculteurs qui sont dans mon cas doivent eux aussi regretter leurs investissements. »
Car pour l'avenir, bien des questions se posent. Comme ces arbres n'ont pas été détruits par la tempête, leur propriétaire n'a en principe pas droit aux aides pour dégager et replanter. « Pour cet- te parcelle, il me faudrait encore 1 500 euros à l'hectare, soit 75 000 euros. Je ne les ai pas, et je me demande même si cela vaut encore le coup de replanter. » Sa propriété de 300 hectares étant détruite à 80 %, la somme à mobiliser s'élève à… Tout le monde peut faire le calcul.
Seulement des questions
Mais la question est ailleurs. Aujourd'hui, ce domaine n'a plus aucune valeur. Son propriétaire ne doit donc pas le céder, sinon ce serait pour des cacahuètes. « Mais pour lui redonner un peu de valeur, il faudrait replanter quelque chose dessus. Et replanter quoi, quelle sylviculture ? Dans 40 ans, mes petits-enfants auront-ils des pins à couper, ou bien des acacias, du maïs ? » Autant de questions cruciales, auxquelles ce sylviculteur n'a pas le début d'une réponse.
septembre 2010 06h00 | Par jean-louis hugon
Les forestiers et les élus le réclament, l'administration ne le juge pas nécessaire.
Session extraordinaire, hier, au Conseil général des Landes. N. L. L.
La polémique a éclaté hier dans l'enceinte du Conseil général des Landes. Inquiet de la nouvelle dégradation du massif forestier causée par les scolytes et autres insectes, Henri Emmanuelli avait convoqué une session extraordinaire. Plusieurs intervenants ont fait état de divergences de vues entre les professionnels et l'administration.
« L'État porte une responsabilité, ses services auraient dû prévoir un plan », a affirmé Guy Destenave, le maire de Pissos. « Il faut un plan scolyte », a déclaré pour sa part Yves Lesgourgues, directeur du Centre régional de la propriété forestière (CRPF) d'Aquitaine. L'interprofession, qui semble se reconstruire après avoir explosé, y réfléchit, a-t-il précisé. Ce plan, à formaliser rapidement, consisterait à « évacuer le maximum de bois scolytés avant avril, avec des recommandations pour le prix du bois » payé aux sylviculteurs. Il préconise également un traitement préventif à grande échelle de la chenille processionnaire. La processionnaire a atteint en 2009-2010 un pic de défoliation jamais vu depuis vingt ans. Son action de défoliation sur les arbres verts aurait, selon les forestiers, préparé le terrain du scolyte, parasite de faiblesse par ailleurs boosté par une température moyenne supérieure à 20 degrés.
Signe fort
Or, c'est là que le bât blesse : le Pôle santé des forêts (ministère de l'Agriculture) n'établit pas de relation entre les deux insectes. Son directeur, Michel Alvère, l'a dit hier. De même qu'il a assuré que le traitement préventif à grande échelle de la chenille ne se justifie pas au regard des dernières observations de terrain. « Je suis surpris d'apprendre que c'est la faute de l'État si le scolyte s'est développé », a renchéri le préfet, Evence Richard, pour qui la seule solution qui vaille réside dans « l'exploitation au plus vite des parcelles atteintes ».
La « mise en œuvre systématique et dès cet automne d'un traitement préventif » contre les chenilles n'en figure pas moins en bonne place dans la motion émise hier par le Conseil général des Landes. « Face au découragement profond des sylviculteurs, traiter serait un signe fort », a commenté le vice-président, Xavier Fortinon.
Au-delà de ce point spécifique, la session avait pour objet de faire le point, un an et demi après la tempête. Pour Henri Emmanuelli, il est clair que « le plan Barnier par la valorisation n'a pas atteint ses objectifs », tandis que l'assurance forestière tant espérée n'est, aux yeux du président d'honneur du Syndicat des sylviculteurs, Jean-Louis Martres, qu'un « fantôme juridique ».
Malgré tout, en dépit du découragement, des interrogations sur le reboisement, Henri Emmanuelli entend maintenir le cap : « Nous sommes pour la reconstitution du massif, plus pour des raisons psychologiques que politiques, sinon ce serait insinuer qu'il y a mieux à faire que de la forêt. »
21 septembre 2010 06h00 | Par Jacques Ripoche |
Actualité :
La double peine, Polémique sur le traitement préventif des chenilles.
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L'hélicoptère à l'assaut des chenilles
La société General Air Services qui intervient sur la forêt landaise pour le traitement de la chenille processionnaire est basée dans le Gard. Elle est à la fois spécialisée dans les traitements agricoles, mais aussi dans le transport de charges, les éléments à assembler, les zones difficiles d'accès, les suivis de travaux, les surveillances de chantiers, les interventions sanitaires. Elle est composée de pilotes professionnels, très expérimentés qui ont tous obtenu une qualification spécifique.
Sur la forêt landaise, ils interviennent à bord d'Écureuil A 350, des biturbines comme le veut la réglementation sur les zones urbaines. « La société intervient pour le traitement de tout type de culture », explique Louis Gaffié, commercial dans l'entreprise. « Cela peut être des champs de maïs, de colza, des rizières en Camargue ou des bananeraies en Martinique. »
L'équipement d'épandage est lui aussi homologué. Les appareils sont équipés de systèmes permettant de vérifier le dosage à l'hectare, la traçabilité du produit à long terme et de calculer les surfaces traitées.
30 septembre 2010 06h00
Par Christine Lamaison
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