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«Au centre des Restos du coeur de la Porte de la Villette mardi 6 décembre C. R. Nouvel Observateur » |
Bonjour ! Bœuf ou cochon ?" Bruno, bénévole, répète inlassablement la même question. En face de lui, une femme le fixe mais semble ne pas comprendre. Bruno lui tend une boîte de raviolis, elle préfère finalement celle de cassoulet. Mardi 6 décembre au matin, le local des Restos du cœur de la Porte de la Villette, dans le 19e arrondissement de Paris, est plein. Les mamans avec poussettes, en nombre, se fraient un chemin entre les Caddies à provisions. Le centre reçoit chaque jour "entre 400 et 500" habitants des 10e et 19e arrondissements, explique sa responsable Raymonde Fernandez. Les bénéficiaires ont accès à la distribution de denrées alimentaires et de produits pour bébés, mais aussi à une cafétéria, un repas chaud le midi pour ceux qui ne peuvent pas cuisiner, et d'autres services aussi : aide administrative, salon de coiffure, soutien scolaire, places de théâtre ou de cinéma,...
Saliha touche le RSA "et 90 euros de chômage"
Peu avant 10h, faute de place à l'intérieur, une quarantaine de personnes patientent dehors, et le petit auvent abritant quelques bancs ne peut pas toutes les protéger du froid et du vent. Mais Saliha, 34 ans, a connu pire : "l'an dernier on était sous la neige." Enceinte de son troisième enfant, elle touche actuellement le RSA "et 90 euros de chômage". Elle attend patiemment son tour, "depuis plus d'une heure déjà", espérant que quelqu'un la laisse passer. A l'intérieur, une soixantaine de bénévoles s'activent pour assurer le bon fonctionnement du centre. Il y a ceux qui déchargent les palettes de marchandises et approvisionnent les stocks, ceux qui accueillent, ceux qui distribuent, et ceux, comme Raymonde Fernandez, qui s'occupent des inscriptions.
On ne peut pas vous prendre, madame, vous dépassez un peu
"Désolée madame, mais on ne peut pas vous prendre, vous dépassez un peu. Je ne dis pas que vous êtes riche, mais les ressources des Restos sont ce qu'elles sont" explique la responsable, navrée, à une jeune femme qui répond timidement qu'elle "comprend bien". Avant de tenter : "En janvier je n'aurai plus le chômage". Elle reviendra. Pour respecter l'ordre d'arrivée et "éviter les embrouilles", des tickets numérotés sont distribués. Faute de place, encore, certains attendent à l'extérieur. Une femme s'impatiente, tambourine, interpelle la responsable, puis s'excuse. Pour bénéficier de la distribution, il faut être inscrit et avoir une carte. Depuis lundi 28 novembre et le lancement de la 27e campagne d'hiver des Restos du coeur, le centre a d'ores et déjà été inscrit 850 familles. "En fin de campagne en mars dernier, on en avait 1.800" précise la responsable, qui inscrira ce mardi 42 familles supplémentaires.
Augmentation des familles monoparentales
Raymonde Fernandez, 69 ans, a été bénévole 7 ans avant d'être responsable, depuis 9 ans. Jamais avare d'un sourire ni d'un mot gentil, elle n'arrête pas. "On n'a déjà plus de poireaux" s'inquiète un bénévole en milieu de matinée. "Tu donnes des carottes, pour deux poireaux quatre carottes" répond-elle du tac au tac. Elle a à peine le temps de poser une question à une femme qu'une autre bénévole l'interrompt : "on a une dame qui n'est pas bien, elle dit qu'elle est fatiguée". "Laisse-là se reposer le temps qu'il faut, on verra plus tard". Au fil des ans, elle constate "de plus en plus de misère", une augmentation des familles monoparentales et "beaucoup de personnes seules" travaillant à temps partiel et dont l'activité professionnelle "ne permet pas de vivre." Elle voit revenir les mêmes bénéficiaires "depuis plusieurs années" et a inscrit la semaine dernière une personne pour la 20è année : "J'étais sidérée."
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Claude, 75 ans, est affecté "aux protides" C. R. Nouvel Observateur |
Bénévole et bénéficiaire : "Je prends et je donne"
Claude, 75 ans, bénévole depuis 16 ans, est affecté "aux protides". Aujourd'hui, c'est steak haché ou poisson. Il est là trois jours par semaine de 8h à 13h "pour rendre service". Servir des personnes "qu'il a connues enfants" lui fait mal au cœur.
A ses côtés, Bruno, 56 ans, est bénévole et bénéficiaire depuis deux ans : "Comme ça je n'ai pas l'impression de voler, je prends et je donne." Ancien restaurateur, il espère retrouver du travail "mais pas à temps plein, je suis réaliste, c'est pas possible." Il poursuit ses recherches d'emploi, et est là tous les jours de 6h à 13h : "Ça me maintient dans des horaires et j'ai l'impression d'être utile." Parmi les bénévoles, beaucoup de retraités et quelques jeunes, dont un est en TIG (travail d'intérêt général) et distribue le lait.
La moitié des fonds vient des dons aux particuliers
La responsable aimerait pouvoir offrir "des produits festifs de temps en temps". Toutes les denrées sont payées par l'association : "la moitié vient des dons des particuliers, 25% du Programme européen d'aide aux démunis (PEAD), 20% des Enfoirés (concerts, CDs, DVDs,..), et le reste de subventions de l'Etat et autres." Tandis que certains prennent un café dans l'Algeco attenant au local, Liliane, 30 ans, attend une amie. Elle "a fui les persécutions en Angola" en 2009 et vit depuis dans un hôtel avec ses deux enfants. Sans papiers, elle n'a "rien" : "J'ai demandé l'asile politique mais je n'ai eu que des refus. Sans l'association, je n'aurais rien à manger. C'est surtout pour les enfants. Je vis grâce aux Restos du coeur."
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A l'extérieur, certains échangent des produits contre d'autres C. R. Nouvel Observateur |
Echange de produits à la sortie
Marie, 30 ans, la poussette pleine de petits pots et une fillette accrochée au bras, sort du local avec le sourire. Elle a reçu "des fruits, des légumes, de la viande", autant d'aliments "trop chers" pour elle. Au RSA, elle a "du mal à boucler les fins de mois" et, surtout, "ne veut pas trop priver les enfants." Ici, elle a reçu des denrées mais aussi "de la chaleur humaine" : elle se sent "bien accueillie, et, contrairement à d'autres endroits, pas jugée."
Une fois sortis du local, on s'échange des produits. Saliha vient de troquer une conserve de cassoulet contre des raviolis. Une bénévole leur demande de "faire ça plus loin". "Ils n'aiment pas qu'on échange" explique-t-elle sans comprendre pourquoi.
Selon un bénévole, certains vont jusqu'à ramener sur place des produits périmés qu'ils tentent de refourguer contre des produits frais. Saliha reconnaît que "certains abusent" mais maintient son interrogation : "mon fils adore les raviolis et je ne bois pas de café, alors si je veux échanger mon café contre des raviolis ça dérange qui ?" Reconnaissante envers l'association et le travail des bénévoles, elle tient à ajouter : "ce n'est pas parce qu'on est dans le besoin qu'on ne peut pas avoir le choix."
Céline Rastello – Le Nouvel Observateur
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. les supermarchés ne créent pas d'emploi.
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